Des têtes d’oiseaux munies d’inquiétants appendices, une impensable collection de chimères en liberté, des clés donnant accès à des chambres énigmatiques, des préparatifs de repas à vous faire perdre la raison, d’innombrables souliers, des pieds, des mains privés de corps, des yeux gélatineux pris dans des alvéoles, des roses et des cerveaux issus des serres chaudes du sommeil, un jardin obscur où prospèrent d’inénarrables bouturages, un corps nu, un visage de femme parés pour un rituel exubérant, fiévreux comme un soir de luxure… telles nous submergent les visions que charrie le fleuve Kándl.
Nous voici, sans aucun garde-fou, plongés dans le hors-temps, arrimés au délire du peintre-thaumaturge, enchaînés à une fiction passant du rêve au cauchemar, fascinés par les créatures de ce bestiaire hallucinant. Nous voilà emportés dans la dérive du bateau ivre, tandis qu’à l’esprit nous revient le redoutable jugement que naguère prononça Roger-Gilbert Lecomte, arpenteur de l’incandescence : « Souvenez-vous, hommes, du fond caverneux de vous-mêmes : votre peau n’a pas toujours été votre limite. Il fut un temps où la conscience n’était pas emprisonnée dans cette outre puante, un temps où le cercle magique des horizons lui-même ne suffisait pas à emprisonner l’homme. »
Avec une délectable férocité, Lukas Kándl fait exploser les voûtes humides de la caverne, nous livrant du même coup au vertige de l’inconnu. Platon est nu, rongé de doutes, tourmenté jusqu’à la rétine. Le désir et la mort se livrent à une joute étrange, voluptueuse, délicieusement irrésistible, investissant les cases vacantes de notre entrepôt cérébral. Nous étions dans le château mais n’en connaissions qu’une pièce. Et voici que chaque porte débouche sur un mirage.
Diable ! tout ici n’était-il donc qu’apparence, illusion, y compris cette torpide quiétude que nous prenions pour le réel ? La mascarade est mise à nu. Sous l’écorce de l’encéphale rugit le magma en fusion, le chant profus, protubérant de la matière. Le poète aux fins doigts d’orfèvre lâche en nous sa meute de perles, de rongeurs fuselés et de phantasmes déchaînés. Son cabinet de curiosités ne serait-il qu’un musée noir ? Non pas, mais un
réservoir de mystères, une ménagerie remplie de désirs crépitants.
Au policé de la surface, Kándl l’explorateur préfère les profondeurs intimes, l’antre gravide de la terre. Les semis de l’imaginaire nous convient dans son labyrinthe. Attention ! Son génie peut faire perdre pied !
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