Des marqueurs de luxe : Les alliages cuivreux en Méditerranéeen Méditerranée
par Jonathan Devogelaere, Docteur en Archéologie Aix-Marseille Université ; Centre Camille Jullian / LabexMed
Au cours du IIIe millénaire avant notre ère, dans le bassin méditerranéen, se développe une nouvelle technique, un nouveau savoir-faire en métallurgie : la fabrication du bronze. À partir de la fusion du cuivre et en y incorporant de l’étain, mais aussi parfois du plomb, se crée un alliage cuivreux que l’on nomme « bronze » ou anciennement « airain ». Les Grecs de l’Antiquité employaient le terme grec de kalkos pour désigner aussi bien le « cuivre » que le « bronze ». Il en était de même pour les Romains qui utilisaient le terme latin d’aes pour les définir.
Grâce à une parfaite maîtrise des procédés de fabrication, le bronzier antique définit précisément la composition et les teneurs des métaux en fonction de l’artéfact en bronze qu’il souhaite confectionner. En effet, suivant sa composition élémentaire, le bronze a différentes propriétés mécaniques mais aussi diverses couleurs.
Le bronze est rouge clair quand l’alliage contient entre 5 % et 8 % d’étain. La couleur de l’alliage cuivreux devient jaune rougeâtre et passe par différentes nuances de jaune orangé et jaune plus clair avec une teneur comprise entre 10 % et 12 %. Avec 15 % d’étain, le bronze est jaune doré et, aux alentours des 20 %, le bronze devient gris argenté – ce bronze a par ailleurs été employé durant l’Antiquité pour fabriquer certains miroirs.
Quant à l’ajout de plomb dans l’alliage, ce métal permet une meilleure coulabilité du bronze en fusion lors de la fonte et une meilleure malléabilité de celui-ci lors de travaux à froid. Par ailleurs, le plomb assombrit légèrement la couleur du bronze.
L’artisan peut ainsi, par son savoir-faire, obtenir un artéfact d’une couleur et d’un éclat métallique désirés. Malheureusement, étant un alliage, le bronze est instable. L’alliage cuivreux cherche donc à se stabiliser avec son milieu environnant et tend naturellement à retourner à un état initial de minerai ; sa surface d’origine se recouvre ainsi d’une corrosion terne, qui est une oxydation souvent de couleur vert sombre, que l’on nomme communément « patine naturelle ». Cette oxydation se produit tant au contact de l’air, si l’artéfact n’est pas entretenu, que lors de l’enfouissement des artéfacts pendant plusieurs siècles, comme nous pouvons le constater en observant le mobilier archéologique présenté.
Outre la maîtrise des procédés de fabrication du bronze, les artisans de l’Antiquité ont mis en œuvre et perfectionné plusieurs τέχναι (technaï) de traitements de surface pour mieux protéger l’alliage cuivreux contre la corrosion, pour apporter une décoration et pour donner un rendu polychrome à l’artéfact.
Plusieurs traitements de surface ont ainsi été employés pour réaliser ces résultats :
Soit par des traitements plastiques (martelage, ciselage, polissage) qui permettent de changer la forme et l’aspect de l’artéfact, de l’embellir d’un décor incisé et de modifier localement sa couleur par une différente réflexion de la lumière incidente.
Soit par des incrustations (damasquinage, placage, sertissage) de métaux (cuivre, argent, or, bronze de Corinthe noir) ou d’autres matières dures (os, ivoire, pâte de verre, pierre colorée) pour accentuer par un jeu polychrome certains décors ou détails anatomiques.
Soit par des recouvrements métalliques (dorure, argenture, étamage) ou dus à des réactions chimiques (patinage) qui permettent de protéger de la corrosion, d’apporter plus d’éclat et de transformer superficiellement
Pour terminer sur l’étude des bronzes antiques, celle-ci doit indispensablement, de nos jours, faire collaborer différents professionnels afin d’effectuer une recherche des plus précises : archéologue, conservateur-restaurateur, chimiste, historien, conservateur de musée.
En effet, du temps où un beau musée devait présenter de beaux objets, on a fréquemment parlé de bronzes patinés – généralement de couleur vert sombre – pour témoigner de l’ancienneté et de la « valeur » de la collection… quitte même à peindre en vert des œuvres !
Aujourd’hui, grâce aux recherches interdisciplinaires sur le mobilier archéologique, une meilleure compréhension des produits issus de la corrosion et des divers autres facteurs d’altération permet de mieux identifier et protéger les couches porteuses d’informations sur l’histoire des artéfacts et la diversité de leurs rendus colorés, comme nous venons de le voir.
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