[ Ссылка ]
[ Ссылка ]
[ Ссылка ]
« en un lieu de brûlure », ou le voyage d'Alep, extrait :
Autour d’Alep, le chameaux roux paissent les tombes.
Ni murs, ni feuilles.
Un champ sans borne se propose à la pensée.
Ici, rien, nul ornement, ne cherche à diminuer le prestige entier de la mort. Ouverte au promeneur aventureux, elle dessine une brûlante égalité.
Des corps sans fleurs dorment dans une pierre aride.
Avec le ciel, sans ombre de tendresse, elle inaugure un échange absolu.
La ville, au loin, n’est qu’un prolongement de ce mystère.
La citadelle énorme la domine.
Elle a connu les plus anciennes lunes.
Tant de symbole égare l’âme et la déprend.
Un pleur affreux tourmente la paupière.
Puis le silence s’installe avec la vie.
* * * * * * *
La paix, je la demande à ceux qui peuvent la donner
Comme si elle était leur propriété, leur chose
Elle qui n’est pas colombe, qui n’est pas tourterelle à nous ravir,
Mais simple objet du cœur régulier,
Mots partagés et partageables entre les hommes
Pour dire la faim, la soif, le pain, la poésie
La pluie dans le regard de ceux qui s’aiment
La haine. La haine.
Ceux qui sont les maîtres de la paix sont aussi
les maîtres de la haine
Petits seigneurs, grands seigneurs, grandes haines toujours.
L’acier est là qui est le métal gris-bleu
L’acier dont on fait mieux que ces compotes
Qu’on mange au petit déjeuner
Avec du beurre et des croissants
Les maîtres de la guerre et de la paix
Habitent au-dessus des nuages dans des himalayas,
des tours bancaires
Quelquefois ils nous voient, mais le plus souvent
c’est leur haine qui regarde :
Elle a les lunettes noires que l’on sait
Que veulent-ils ? Laisser leur nom dans l’histoire
À côté des Alexandre, des Cyrus, des Napoléon,
Hitler ne leur est pas étranger quoi qu’ils en disent :
Après tout, les hommes c’est fait pour mourir
Ou, à défaut, pour qu’on les tue
Eux, à leur façon, qui est la bonne, sont les serviteurs d’un ordre
Le désordre, c’est l’affaire des chiens – les hommes, c’est civilisé
Alors à coups de bottes, à coups de canons et de bombes,
Remettons l’ordre partout où la vie
A failli, à coups de marguerites, le détraquer
À coups de marguerites et de doigts enlacés, de saveur de lumière,
Ce long silence qui s’installe sur les choses, sur chaque objet,
sur la peau heureuse des lèvres,
Quand tout semble couler de source comme rivière
Dans un monde qui n’est pas bloqué, qui est même un peu ivre,
qui va et vient, et qui respire…
Ô monde… Avec la beauté de tes mers,
Tes latitudes, tes longitudes, tes continents
Tes hommes noirs, tes hommes blancs, tes hommes rouges,
tes hommes jaunes, tes hommes bleus
Et la splendeur vivace de tes femmes pleines d’yeux et de seins,
d’ombres délicieuses et de jambes
Ô monde, avec tant de neige à tes sommets et tant de fruits
dans tes vallées et dans tes plaines
Tant de blé, tant de riz précieux, si seulement on voulait
laisser faire Gaïa la généreuse
Tant d’enfants, tant d’enfants et, pour des millions
d’entre eux, tant de mouches
Ô monde, si tu voulais seulement épouiller le crâne chauve
de ces pouilleux, ces dépouilleurs
Et leur glisser à l’oreille, comme dictée de libellule,
un peu de ta si vieille sagesse
La paix, je la demande à tous ceux qui peuvent la donner
Ils ne sont pas nombreux après tout, les hommes
violents et froids
Malgré les apparences, peut-être même ont-ils encore
des souvenirs d’enfance, une mère aimée,
un très vieux disque qu’ils ont écouté jadis
longtemps, longtemps
Oh, que tous ces moments de mémoire viennent à eux
avec un bouquet de violettes !
Ils se rappelleront alors les matinées de la rosée
L’odeur de l’eau et les fumées de l’aube sur la lune.
- - Les doigts - -
Je salue chacun de mes doigts.
Je salue chacun de mes doigts avec leurs ongles.
La main. Le bras.
Le bras comme un sarment arraché et l’autre
bras aussi, le serment de leurs mains devant
le serrement du cœur.
Les pieds aussi et leurs orteils. Les jambes.
La sève en elles vers un fouillis de violettes,
ce lieu du songe.
Le ventre avec ses intestins. L’estomac,
le foie, les poumons.
Les autoroutes du cou. Le nez. Les
yeux. Les dents.
La bouche avec sa voix. L’oreille comme
une coquille.
L’éponge imbibée de tous les fonds marins,
il suffit de presser un peu et ce sont pensées
et images. Douleurs. Feux. Souvenirs.
Je regarde chacun de mes doigts et tous
ceux-là, mes amis de toujours, ils veulent
s’en aller, disent-ils, chacun seul, comme
à la fin d’un colloque interminable.
Illustration vidéo : Caroline Fourgeaud-Laville — Travail personnel, CC BY-SA 3.0, [ Ссылка ]
#brèvesdepoésie
Retrouvez-moi sur :
- mon site internet : [ Ссылка ]
- facebook : [ Ссылка ]
- instagram : [ Ссылка ]
Brèves de poésie - Salah Stétié
Теги
poésiepoèmepoèmespoètepoètesmusiquefrench poetrypoetrynicolas granierlittératurebeaux textesfrance culturefrance musiquefrance interartearte poésieamourpoetry dropsbrèves de poésiefrench literatureliteraturelecture de poésielectureslectures de poésiereadingpoetry readingpoetry readingsreadingssalah stétiéSalah StétiéAleple voyage d'Alepen un lieu de brûlurepoésie orientalelibanASMR