Yvon André grandit dans le giron d’un père militaire. C’était comme il le décrit un homme au caractère bien trempé qui peinait à accepter l’enclin précoce de son fils pour la musique. En effet, Kapi, dès la puberté, s’amourache d’une émission sur Radio Haïti qui était diffusée le samedi. « Cette émission, dit-il, avait un penchant plutôt pour les artistes et groupes en quelque sorte à contre-courant ou nouveaux par rapport aux rythmes de Nemours Jean-Baptiste et de Wébert Sicot, les monstres sacrés de l’époque ». A ce rendez-vous qu’il appréciait religieusement, on diffusait plutôt du Martha Jean-Claude, de la musique d’Ibo Lele, Les Chèlbè, Les Copains, Fritz Perrera… C’est dès lors qu’il se promet, s’il devient célèbre, qu’il fera de la musique autrement. Une rencontre avec Ti Pascale aux USA quelques années plus tard va lui permettre d’avoir une formation théorique en musique.
Mais revenons à sa jeunesse imprégnée de musique mais aussi d’interdiction d’en pratiquer par son père. Autour de 16 ans, il joue de la batterie au sein de Devil’s Sons, une sorte de groupe rock dans lequel on retrouvait d’autres copains dont Richard Widmaër, Jean Bernard Faubert... Un rituel efficace dont disposait le jeune musicien à l’époque pour pouvoir satisfaire sa passion, c’était de se rendre à des kermesses parfois à l’insu de son père. Il aimait particulièrement le groupe « Les diplomates » au point qu’il maîtrisait leur agenda. C’est ainsi que lors d’un des kermesses qu’animait ce groupe chez les sœurs de Saint Joseph de Pétion-Ville, il a suppléé au percussionniste absent ce jour-là. Albert Chancy, épaté par sa performance, le persuade à l’époque de rejoindre Les Incognitos, futur Tabou Combo, qui faisait ses débuts. Le premier bal du groupe a failli se solder en un échec, puisque le père de Kapi, furieux, est venu le chercher en pleine prestation. On vous laisse deviner ce qui s’en est suivi à la maison. Alors que Kapi est en classe de rhéto, Tabou Combo, qui est un groupe assez conséquent à l’époque, se produit de plus en plus à travers la ville. Une de ces fois, son père est encore venu le chercher ! Une fois à la maison, son grand frère prend sa défense en arguant que Kapi, du fait de sa réussite au baccalauréat, a désormais le droit d’être traité comme un adulte et pas comme un bambin qui dépend de son père. En plus il a fait comprendre au paternel que si le père d’Albert Chancy et celui d’Herman Nau ont accepté que leur fils suivent leur passion, pourquoi pas lui également.
Le 11 août 1970 le groupe fait son bal d’adieu à Ibo Lélé car les principaux membres s’apprêtaient à partir pour des études à l’étranger. Albert au Canada, Jean Claude Jean, et Herman à New York ; Kapi les rejoindra un mois après. Le groupe se reprend petit à petit aux USA. Albert est remplacé par Dadou Pasquet à la guitare. Au fur et à mesure des membres vont intégrer la formation remise sur pied.
Extrait tiré du journal "Le Nouvelliste" édition 3 mars 2020.
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